A Calais, la France est « le bras policier » de Londres

A Calais, la France est « le bras policier » de Londres

LE MONDE | 01.08.2015

« Calais : envoyez l’armée ! » Dans sa rage à défendre le Royaume-Uni, « assiégé » par quelques milliers de migrants, la presse populaire britannique feint d’ignorer le sens exact de cet « appel » lancé au gouvernement Cameron : envoyer des soldats anglais sur le sol français pour régler une question que Paris se montre « incapable » de gérer.

Insensée, voire absurde, cette revendication rencontre un fort écho dans un pays qui ne peut plus se passer du cordon ombilical souterrain qui, de Folkestone à Calais, la relie au continent. Les vacanciers retardés dans leur quête de soleil, les routiers exténués par de longues heures d’attente sont nombreux à réclamer la manière forte. Comme s’ils rêvaient d’un tunnel à sens unique. Le Royaume-Uni ne serait plus une île pour ses habitants, mais le resterait pour les continentaux.

Dans son outrance même, la revendication d’un appel à l’armée contre des demandeurs d’asile sur le sol d’un pays étranger traduit une réalité que les gouvernements français successifs font tout pour masquer : au fil des crises à Calais, les Britanniques ont délégué aux Français la charge de contrôler l’imperméabilité de leur frontière terrestre qu’est le tunnel sous la Manche.

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, avait signé en 2003 le traité du Touquet qui permet les contrôles au départ dans les ports. Onze ans et bien des accords franco-britanniques plus tard, son successeur actuel, Bernard Cazeneuve, s’est targué d’avoir obtenu de Londres un énième financement britannique (5 millions d’euros par an) pour « sécuriser le port de Calais ».

Mais cette politique dite « de coopération » apparaît singulièrement asymétrique. D’innombrables accords bilatéraux, pour certains non publiés, ont organisé la délocalisation, dans les gares et les ports français, des contrôles qui devraient être logiquement effectués à l’arrivée en Grande-Bretagne par des fonctionnaires britanniques. Ces textes conduisent « à faire de la France le “bras policier” de la politique migratoire britannique », a constaté, en juillet, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Cette instance insiste sur le caractère « léonin » de ces arrangements dont la France tire un bénéfice financier sans rapport avec le coût financier d’une situation de crise humanitaire à répétition. Les 5 millions d’euros annuels versés par Londres ne suffisent même pas à financer le centre d’accueil de jour Jules-Ferry aménagé en périphérie de Calais (10 millions, dont 6 pour la France et 4 pour l’Union européenne).
Cul-de-sac pour migrants

Sans compter le coût humain d’accords qui ont transformé Calais en cul-de-sac pour migrants amenés à survivre dans des conditions – ni eau ni électricité dans la « lande » venteuse qui leur est réservée – bannies par les conventions internationales. Sans compter non plus le coût politique – dans une France minée par la rhétorique xénophobe – et moral, lié à la banalisation du rejet d’hommes et de femmes – Afghans, Syriens, Irakiens, Soudanais, Erythréens – qui ont pris le risque de fuir leur pays en butte à l’oppression, aux guerres ou aux crises parfois attisées par les interventions occidentales. Sans compter, encore, la dégradation de l’image de la France, perçue soit comme inhumaine, soit comme inefficace. Et celle de l’UE, incapable d’accueillir quelques milliers d’hommes au moment où le Liban abrite un nombre de réfugiés équivalent à un tiers de sa population.

De fait, la France est devenue garante du choix britannique de ne pas adhérer à la convention de Schengen sur la libre circulation des personnes. Bizarrement, Calais se situe en périphérie de cette zone européenne. Le paradoxe va encore plus loin : les accords bilatéraux franco-britanniques exonèrent Londres d’obligations liées à la simple appartenance à l’Union européenne.

Tel est le cas du règlement dit « de Dublin », qui prévoit que, « pour des motifs humanitaires et de compassion », notamment de liens familiaux, « tout Etat membre puisse examiner une demande (…) même si cet examen ne lui incombe pas ». S’il arrive à la France de pratiquer cette solidarité, c’est rarement le cas du Royaume-Uni. « Du fait de l’externalisation des contrôles sur le sol français, note encore la CNCDH, la Grande-Bretagne n’est pratiquement jamais compétente pour examiner les demandes d’asile. » Pourquoi la France a-t-elle consenti à de telles dérogations ? S’agit-il, comme le suggère la Commission des droits de l’homme, d’une manifestation du « complexe français de Talleyrand », qui verrait un « certain utopisme français » conduire Paris à mener des politiques qui ne sont pas de son ressort, alors que seul le pragmatisme guiderait les Britanniques ?

Pour l’heure, alors même que la crise à Calais atteint un nouveau pic, Paris et Londres font mutuellement assaut de diplomatie. Tandis que David Cameron insiste sur la qualité de la coopération avec la France, Paris préfère s’en prendre à Eurotunnel plutôt que de questionner la politique bilatérale. Pas question d’envenimer les discussions sur les réformes de l’Union européenne que M. Cameron souhaite obtenir avant le référendum sur la sortie ou non de l’Union qu’il a promis d’ici à 2017. Tant pis si le poison lent de Calais continue de se distiller dans les deux pays.

Philippe Bernard (Londres, correspondant)
Correspondant au Royaume-Uni

Source : http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/08/01/a-calais-la-france-est-le-bras-policier-de-londres_4707360_3232.html

Calais : « L’ordinaire de la brutalité policière » contre les migrants filmé

Le Monde.fr | 12.05.2015 à 12h43| Par Maryline Baumard

Officiellement, ces scènes n’existent pas : les violences policières exercées à Calais sur des migrants sont aussi largement dénoncées par les associations humanitaires que contestées par le ministère de l’intérieur. Pour prouver qu’elles existent, un collectif de citoyens calaisiens a filmé les pratiques policières. Et, cette fois, les images seront envoyées au Défenseur des droits, Jacques Toubon.

Avec cet enregistrement tourné le 5 mai sur la rocade qui conduit tout droit au tunnel sous la Manche, donc au rêve britannique, ce collectif de citoyens qui vient en aide aux victimes de violences et les répertorient veut « montrer l’ordinaire de la brutalité policière à l’encontre des candidats (sic) au passage entre Calais et l’Angleterre, qui tentent de se dissimuler dans les camions ».

Contactés lundi soir, par La Voix du Nord, les syndicats de police jugent ces images insuffisantes. « Une nouvelle fois, on n’y voit que des bribes de vidéos, estime Ludovic Hochart, d’UNSA-police. En général, quand on les voit au complet, la légitimité des interventions est démontrée. » Pour Gilles Debove, d’Unité-SGP-Police-FO, ces images prouvent que « les migrants n’ont plus peur des policiers : avant, il suffisait de mettre pied à terre pour qu’ils partent. Désormais, quand on les surprend dans les camions, ils ne veulent plus bouger ».
Maltraitances, passages à tabac, fractures

En janvier, Human Rights Watch (HWR), une des principales associations internationales de défense des droits de l’homme, avait publié une enquête au long cours sur ces violences. Pour toute réponse, le ministère de l’intérieur avait regretté dans un communiqué que HRW « n’ait pas pris la peine de vérifier les allégations dont elle fai[sai]t état ». L’entourage du ministre rappelait alors qu’« il existe trois voies de contrôle et que des enquêtes sont ouvertes à chaque fois que des faits remontent. L’inspection générale de la police nationale peut être directement saisie sur son site, y compris par les associations. Le procureur de la République peut aussi être prévenu, comme le Défenseur des droits. »

Le Défenseur des droits est à nouveau saisi du sujet et les vidéos du 5 mai viendront compléter son dossier.

Pour Izza Leghtas, chercheuse pour HRW et habituée aux terrains difficiles, l’enquête a été humainement éprouvante. « En novembre et décembre 2014, j’ai réalisé des entretiens longs avec quarante-quatre migrants dont trois mineurs, explique-t-elle. Dix-neuf m’ont déclaré avoir été maltraités au moins une fois par la police. Une maltraitance pouvant notamment signifier un passage à tabac. Huit avaient eu un membre cassé et vingt et un, dont deux enfants, avaient été aspergés de gaz. » Son travail n’a rien de statistique. Mais il confirme ce que chaque visiteur entend dès qu’il se rend sur un campement du Calaisis où vivent 2 200 personnes.

En 2012, déjà, les violences dénoncées par les associations étaient contestées par la hiérarchie policière. Pourtant, le Défenseur des droits avait donné raison aux plaignants dans un rapport du 13 novembre 2012. « Au regard de la multiplicité des témoignages recueillis et malgré les dénégations des fonctionnaires, le Défenseur des droits estime que ces faits sont avérés », écrivait alors Dominique Baudis. La situation est-elle différente aujourd’hui ?

http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2015/05/12/l-ordinaire-de-la-brutalite-policiere-contre-les-migrants-filme-a-calais_4631949_1654200.html

«Quand on a la situation qu’ont les migrants, faut tout accepter»

Haydée SABÉRAN Lille, de notre correspondante 3 mai 2015

«Libération» s’est procuré un enregistrement qui révèle comment des gendarmes ont rabroué des clandestins venus porter plainte contre des policiers pour agression à Calais.

«Dans leur pays, ils oseraient dire que la police les a cognés ?» Cette phrase d’un gendarme de Norrent-Fontes (Pas-de-Calais) a laissé sans voix Clémence Gautier, la juriste de Plateforme de services aux migrants de Calais. Ce 24 juin 2014, elle accompagnait des exilés érythréens qui venaient déposer plainte pour coups et blessures contre la police et un chauffeur de camion. Elle a enregistré plusieurs minutes d’un dialogue édifiant, dont elle a livré l’enregistrement audio à Libération.

L’affaire commence à Norrent-Fontes, village en bordure de l’A26, près de la dernière aire d’autoroute avant Calais, dans la nuit du 22 au 23 juin. Ici, comme sur presque toutes les aires de la région qui mènent vers cette ville, chaque nuit, des migrants grimpent dans des poids lourds pour tenter de rejoindre l’Angleterre. Ceux qui échouent se font cueillir au port par les vigiles, par la police française ou par l’immigration britannique.

«Matraque». Cette nuit-là, la police – «ils avaient un uniforme bleu, sur lequel était écrit « police »», précisent des migrants – ouvre un camion, découvre une vingtaine d’hommes, de femmes et d’adolescents, et ça tourne mal. «Tout le monde est sorti, et j’étais le dernier, raconte Matias, 16 ans, au téléphone depuis l’Angleterre, où il a réussi à passer un mois plus tard dans un camion frigorifique. J’ai mis plus de temps que les autres à sortir. Alors, le chauffeur m’a frappé, plusieurs fois. Ma bouche et mon nez se sont mis à saigner. La police regardait et ne disait rien.» Un certificat médical confirme le nez tuméfié, le sang, la lèvre ouverte. Ermiyas, érythréen lui aussi, raconte la suite, dans un témoignage recueilli par un bénévole : «Ils nous ont fait asseoir. Deux camionnettes et deux ou trois autos de police sont arrivées. Les femmes sont montées dans une camionnette qui est partie. [Nous, les hommes, avons été conduits] hors de la ville, sur un terrain sans éclairage. Les policiers nous ont fait descendre un à un. […] Les six, dont une femme, criaient et nous frappaient de leur matraque, leurs poings et leurs pieds. Une fois la personne frappée, ils lui faisaient signe de partir. Les policiers sentaient l’alcool et ne parlaient pas anglais.»

Les migrants se réfugient alors dans la «jungle», puis rentrent à Norrent-Fontes et racontent au reste du groupe. Les bénévoles présents les convainquent de porter plainte. «On s’est dit qu’il serait plus simple de s’adresser à la gendarmerie de Norrent-Fontes qu’à la police de Calais»,dit Clémence Gautier.

«Excusable».Fille de policier, elle pousse la porte de la gendarmerie en confiance. Mais le dialogue tourne au vinaigre. Les gendarmes dissuadent les migrants de déposer plainte en mettant en avant le risque de se retrouver en centre de rétention. Ils minimisent les faits. Alors, la juriste appuie sur le bouton «play» de son smartphone. Le commandant : «Le gars qui en a marre de les trouver dans son camion, il fait quoi, il dit merci ? Faut se mettre à sa place, aussi. Après, je ne pardonne pas le geste, hein. […]. Mais il y a des règles à respecter, point barre ! Maintenant, ils viennent dire : « Ouais, mais il m’a frappé ! » Certes, ça ne se fait pas. Mais on va aller jusqu’où comme ça ? Bientôt, ils vont venir s’installer là, et puis on va devoir leur dire merci ? […] Moi, je suis le commandant de la brigade. […] Je me rends bien compte que c’est des gens qui sont dans la misère, je suis sûr qu’ils seraient sûrement mieux chez eux que de devoir traverser tout ce qu’ils traversent, mais quand on a la situation qu’ils ont, ben, faut tout accepter, malheureusement. Ça fait partie de la chose. […] Je ne dis pas qu’ils doivent tout encaisser tout le temps, mais il faut savoir faire le canard à certains moments. Ils prennent un risque en montant. Parce qu’ils montent quand même en commettant une effraction. Le propriétaire du camion, quand il veut faire remplacer sa bâche ou la faire recoudre, qui c’est qui paie ? C’est l’assurance ! Pour qui ? Pour ces gens-là !»

Un autre gendarme : «Le chauffeur, il est presque excusable d’avoir tapé sur un migrant, le mec, il…»

La juriste : «Ah non, hein ! Je ne suis pas d’accord.»

Un gendarme : «Le gars il est excédé, il en a marre.»

La juriste : «Il est excédé, mais il n’a pas d’excuse ! Je comprends qu’il soit énervé, mais je ne tolère absolument pas les coups et blessures. Ce n’est pas normal, absolument pas, en aucun cas […].»

Le commandant : «Bon, vous donnez les noms, et puis vous expliquez sommairement les faits, qu’ils sont montés dans le camion, que le chauffeur les a descendus, et puis voilà. Comme ça, tout le monde sera content, les faits seront dénoncés. Et eux, ils dormiront où ils veulent ce soir [sous-entendu : pas en centre de rétention, ndlr] […].»

Un gendarme : «Je ne veux pas vous porter la poisse. Attendez-vous à des retombées quand même, hein. Après, hein.»

La juriste : «De quel style ?»

Un gendarme : «Ben, vous allez avoir du gendarme et du policier sur le parking et aux environs à gogo, ça, je peux vous le garantir. Enfin, moi, je le vois comme ça, hein.»

Selon les bénévoles, les migrants se sont plaints que sur l’aire de Norrent-Fontes, dans les jours qui ont suivi, de nombreux gendarmes se sont relayés. Puis la surveillance s’est relâchée.

Le commandant : «Bon, on va relater sur dix-quinze lignes ce qu’on vous a rapporté. Forcément, le destinataire de votre procédure, c’est le procureur de la République. Il va voir arriver ça, il va dire bon… Ils sont quand même…»

Un autre gendarme : «…ils sont gonflés, les mecs.»

Le commandant : «…gonflés de venir signaler telle chose alors que…»

Les migrants qui se plaignaient de violences sont passés en Angleterre depuis. Alertée par Libération jeudi, la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, a assuré que la gendarmerie ferait «les recherches nécessaires» sur cet épisode. «Toute personne qui vient porter plainte a le droit d’être entendue, c’est la loi», poursuit la préfète. Une enquête a été confiée à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale.

Haydée SABÉRAN Lille, de notre correspondante

http://www.liberation.fr/politiques/2015/05/03/quand-on-a-la-situation-qu-ont-les-migrants-faut-tout-accepter_1287088

Migrants de Norrent-Fontes : deux cents personnes dans le sillage des survivants

Publié le 11/05/2015

PAR REYNALD CLOUET
Dimanche, près deux cents personnes ont défilé dans le cadre de la marche de la solidarité envers les migrants. Des citoyens sensibles à cette cause humanitaire, les bénévoles de Terre d’Errance mais aussi deux prêtres ainsi que le responsable de la communauté musulmane du béthunois.

La marche

Près de 200 personnes ont quitté le campement vers 17 h pour rejoindre l’église située dans le centre de la bourgade de Norrent-Fontes. Les deux endroits étant séparés de trois kilomètres. Ce trajet encadré par les gendarmes, c’était la première fois qu’un tel cortège l’effectuait. Terre d’Errance et les migrants avaient besoin de ce soutien populaire et symbolique, après les drames récents survenus en Méditerranée et l’incendie qui a ravagé le camp de Norrent-Fontes dans la nuit du 24 au 25 avril.

Les bougies

En mémoire d’un frère, d’une sœur, d’un ami ou d’une connaissance qui n’a pas survécu au voyage, les migrants ont écrit leurs prénoms sur des bougies. Ils les ont portées jusqu’à l’église où des bénévoles les ont allumées. Après quoi, elles ont été confiées aux personnes qui ont participé à ce temps de prière. Toutes les confessions étaient représentées, notamment par les abbés Michel Delannoy et Bruno Dubreucq et Yassine Brahim, le président de la communauté musulmane de l’agglomération béthunoise.

Le brassard noir

Chacun était invité à porter un brassard noir pour marquer le deuil des Érythréens qui voient les leurs mourir par centaines. Après avoir traversé six pays et pérégriné pendant des mois, des années, les migrants échouent dans le Pas-de-Calais. « Le sort réservé à ces survivant n’est pas acceptable », fulmine la présidente de Terre d’Errance. Le D r Fumery dénonce, lui, les « conditions sanitaires impossibles sur le camp. J’ai vérifié. Pour le moment, il n’y a pas d’eau dans les cuves. Les droits fondamentaux de l’homme ne sont pas respectés ».

http://www.lavoixdunord.fr/region/migrants-de-norrent-fontes-deux-cents-personnes-dans-le-ia32b54017n2820219

Droits bafoués lors d’évacuations de campements

La Cimade – Communiqué du 15 juillet 2013

Droits bafoués lors d’évacuations de campements

Comme l’été dernier, le gouvernement a lancé la semaine dernière une vaste opération d’évacuation de campements et de squats dans des conditions portant gravement atteinte aux droits fondamentaux des personnes visées. Ces expulsions interviennent alors que le dernier semestre est marqué par un record d’évacuations forcées depuis 2010.

Pourtant, le 26 août 2012, une circulaire interministérielle relative à l’anticipation et l’accompagnement des opérations d’expulsions des campements illicites devait mettre un terme aux dérives antérieures et privilégier la concertation et l’intégration des personnes visées.

En mai 2013, le Défenseur des droits dressait un bilan démontrant que cette circulaire n’avait été que très partiellement appliquée. Il recommandait notamment au gouvernement de « préciser les notions d’urgence et de sécurité permettant de démanteler un campement sans mettre en œuvre les mesures de préparation et d’accompagnement préconisées afin qu’elles soient limitées à des cas exceptionnels et des faits d’une extrême gravité ». Le Collectif national Droits de l’homme Romeurope, dont La Cimade est membre, a pour sa part tiré la sonnette d’alarme le 26 juin dernier lors de la sortie de son rapport d’observatoire sur les politiques publiques mises en œuvre aujourd’hui en France.

Les opérations d’évacuation menées ces derniers jours à Lyon, Ris-Orangis, Deuil-la-Barre, Villeneuve d’Ascq et Angers ont conduit à de nouveaux abus. Le tout sur fond de discours politiques stigmatisants.

De nombreuses familles avec des enfants scolarisés ont ainsi été précarisées sans que des solutions plus constructives ne soient suffisamment recherchées.

Parmi elles, de nombreux citoyens européens, de nationalité roumaine, que l’on dit Roms, ont à nouveau fait les frais de cette politique. Quelques-unes de ces familles ont même été enfermées en centre de rétention puis expulsées de force en Roumanie, au mépris de notre législation et des droits garantis aux ressortissants européens.

Ainsi, après l’évacuation de leur lieu de vie, elles ont été enfermées dans des commissariats pendant une durée abusive. Prononcées dans la foulée, leurs mesures d’expulsion n’étaient pas légales. Aucun délai ne leur a été accordé pour leur permettre de quitter la France. Aucune alternative à leur enfermement en rétention n’a été examinée sérieusement avant de les priver de liberté à Rennes ou au Mesnil-Amelot.

Des familles ont même été séparées, à l’instar d’une jeune femme enfermée en rétention à Rennes alors que son mari subissait le même sort en région parisienne au Mesnil-Amelot.

A nouveau, la politique d’évacuation des campements s’est conjuguée à des expulsions en Roumanie. Venant ainsi ajouter quelques unités aux milliers de Roumains expulsés chaque année dans la continuité des politiques précédentes. En plus d’être discriminatoires, ces expulsions sont absurdes. Bénéficiant d’une liberté de circulation partout en Europe, ils pourront revenir en France, mais leurs efforts d’intégration auront été anéantis.

La Cimade demande au gouvernement de mettre en place une véritable politique d’accueil et d’intégration, plutôt que de continuer à expulser sans discernement et jusqu’à l’absurde les populations précaires, quelle que soit leur nationalité.

Les migrants ont pris possession des chalets installés sur le camp de Norrent-Fontes

 

La Voix du Nord – Publié le 02/06/2012

Les migrants ont pris possession des chalets installés sur le camp de Norrent-Fontes

Les premiers baraquements sont occupés depuis la mi-mai.

La construction du dernier chalet touche à sa fin. Un projet initié par Médecins du Monde, avec le cofinancement de l’Association des élus hospitaliers. Le premier prototype a été monté par Médecins du Monde. Les plans ont ensuite été repris par les membres de l’association Terre d’Errance. Le bénévole Éric Muller, présent presque quotidiennement sur le terrain, s’est chargé d’encadrer l’avancement des travaux. « J’ai redessiné les plans après avoir eu les devis car on n’utilise pas les mêmes matériaux et on ne travaille pas avec le même fournisseur que Médecins du Monde », explique-t-il.
Quatre abris de 25 m²

Au total, ce sont quatre abris en bois de 25 m² chacun qui accueillent les migrants. Celui construit par Médecins du Monde sert de coin cuisine.

« Il y a beaucoup de récup’niveau électroménager », montre Éric.

Des toilettes sèches ont été installées. Un système de récupération des eaux usées s’ajoute à la panoplie de ce camp amélioré depuis sa destruction en janvier dernier. « Ça coûte 12 000 E d’abriter les gens alors que pour 21 000 E l’État les met dehors », regrettait Thomas Suel, membre de Terre d’Errance. La facture de janvier dressée par le préfet pour la destruction du camp s’élevait à 21 700 E.

Pour ce nouveau chantier, tout le monde participe, et enfonce des clous. « On communique par gestes, ça fonctionne bien », assure Éric qui gère sa petite entreprise. L’ambiance est paisible sur le chantier. La main d’oeuvre composée de migrants et de bénévoles est productive. « Le dernier chalet devrait être terminé ce week-end », estime Éric.
Changement de gouvernement

Au camp de Norrent-Fontes, les migrants communiquent peu avec les « étrangers ». Sourires et tasses de thé font oublier cette barrière de la langue. Pendant que certains discutent et refont le monde, d’autres participent aux travaux. Si l’ambiance est calme, c’est aussi parce qu’un coup dur a frappé la petite communauté. Dans la nuit de mercredi à jeudi, la police aux frontières a interpellé un camarade d’errance. « Ici, Texas était apprécié de tous. Il était un peu leur chef, c’est dur pour eux aujourd’hui ». Certains étaient au tribunal, hier, pour entendre la sentence (nous y reviendrons dans une prochaine édition). Des opérations régulières connues de tous. Le changement de gouvernement et de politique donne de l’espoir aux bénévoles. « Il faut une prise en compte de cette question. On peut espérer qu’il y ait une humanité. La position de François Hollande sur la réduction du délai de traitement des demandeurs d’asiles est encourageante mais il ne faut pas bâcler les demandes », commente Thomas Suel. •

SHEERAZAD CHEKAIK-CHAILA

http://www.lavoixdunord.fr/region/les-migrants-ont-pris-possession-des-chalets-installes-sur-jna32b0n487649

Moins de migrants à Dunkerque : les associations réagissent

La Voix du Nord – mercredi 07.12.2011

Moins de migrants à Dunkerque : les associations réagissent

« Les personnes migrantes de passage sur notre littoral n’ont pas vraiment disparu »

, ont souhaité corriger les associations (1) qui leur viennent en aide dans le Dunkerquois. Elles réagissent ainsi à l’entretien du directeur zonal de la Police aux frontières paru dans nos colonnes samedi.

« Leur nombre est certes moins important que dans les mois qui ont précédé mais d’expérience (…), ce nombre est constamment fluctuant et il ne faut jamais se fier à des statistiques faites à un moment donné (…). Les raisons qui amènent ces hommes et ces femmes sur les routes n’ont pas disparu d’un coup de baguette magique ni d’une intensification de la présence policière.

Les interventions quasi quotidiennes, sur les camps, des forces de police amènent les migrants à devenir de plus en plus invisibles, par crainte. La nouvelle organisation de la police fait que les personnes arrêtées sont emmenées non plus à Saint-Pol-sur-Mer, comme il y a encore peu, mais vers Calais, où beaucoup d’entre eux sont relâchés dans la soirée sur place. L’effet dissuasif est sans doute assuré, mais ne fait que reporter sur d’autres territoires le problème (…). Les associations craignent que cette méthode ne vienne amplifier la situation humainement compliquée des personnes migrantes de passage.

Dormir dans des fossés sans pouvoir bénéficier d’un minimum d’abris, ne pas pouvoir bénéficier des distributions de nourriture et de soins, tout cela provoque une aggravation de leur situation et leur mise en danger.

(…) Les associations qui oeuvrent auprès de ces personnes ne peuvent accepter que les autorités publiques jouent avec leurs vies et demandent à continuer de pouvoir exercer leur action humanitaire en toute indépendance. » •

(1) Le collectif migrants réunit Salam, Terre d’errance Flandre littorale, la LDH, Emmaüs, le MRAP, ACC minorités visibles, Médecins du monde, AMiS Téteghem et le Secours catholique.

Moins de migrants à Dunkerque : les associations réagissent – Actualité Dunkerque – La Voix du Nord.

Migrants en situation irrégulière: les parias de l’Europe

L’Humanité – 21/11/2011

Migrants en situation irrégulière: les parias de l’Europe

Selon un rapport publié lundi par l’Agence européenne pour les droits fondamentaux, les migrants en situation irrégulière en Europe sont davantage exploités sur leur lieu de travail et sont confrontés au manque d’accès aux services de base, notamment dans le domaine de la santé et de l’éducation.

« Nous employons les migrants en situation irrégulière comme travailleurs domestiques bon marché. Nous mangeons les fruits et les légumes qu’ils récoltent. Mais malgré leur contribution à nos sociétés, lorsqu’ils veulent accéder aux soins de santé ou aux services d’éducation, ou encore réclamer justice en cas d’abus, ils se retrouvent bien souvent face à une porte close ou, pire, sont expulsés », a affirmé Morten Kjaerum, directeur de l’Agence. « Les droits de l’homme s’appliquent à tous les humains. Et nous restons des êtres humains même si nous n’avons pas de passeport, de visa ou de permis de séjour« , a insisté M. Kjaerum en présentant le « rapport sur les droits fondamentaux des migrants en situation irrégulière dans l’Union européenne« .

Le rapport souligne notamment que l’accès aux soins de santé nécessaires pour les enfants et les femmes enceintes ainsi que les soins médicaux d’urgence ne sont généralement pas accessibles gratuitement aux migrants en situation irrégulière, comme c’est le cas pour les ressortissants du pays concerné.

L’obligation de produire des documents officiels, tels qu’un permis de séjour ou un certificat médical, empêchent souvent les enfants de migrants en situation irrégulière de s’inscrire dans les écoles publiques, déplore également le document qui dénonce les opérations de police à proximité des écoles ou des hôpitaux.

« Bien souvent dans l’incapacité de faire valoir leurs droits devant la justice », les migrants en situation irrégulière devraient pourtant bénéficier des mêmes droits que les nationaux, demande le rapport remis à la Commission européenne.

Bien qu’il n’existe aucune estimation du nombre de migrants en situation irrégulière présents dans l’UE, un récent projet financé par l’UE (« Clandestino« ) a estimé qu’il pourrait osciller entre 1,9 million et 3,8 millions de personnes.

SOURCE

Communiqué du collectif Fraternité Migrants Bassin Minier 62.

Communiqué du collectif Fraternité Migrants Bassin Minier 62.

Ce mardi 22 novembre à 6 heures du matin, 9 migrants vietnamiens ont été interpelés par la Police de l’air et des frontières, sur le terrain privé que leur avait mis à disposition la municipalité de Angres. Dans cette opération, la police était accompagnée des caméras du 20 heures de TF1.

Au même moment, une bénévole du Collectif, mère de famille, a été interpelée à son domicile, devant ses enfants, sa maison a été fouillée, ses ordinateurs ont été perquisitionnés, puis elle a été placée en garde à vue pendant 33 heures. Motif : son aide apportée aux migrants. Or, cette aide était de nature humanitaire et fraternelle.

Ces migrants vietnamiens veulent rejoindre l’Angleterre ; notre seule volonté, qui s’appuie sur les valeurs de la République, est que leurs conditions de vie soient conformes à la dignité humaine.

C’est en ce sens uniquement que le Collectif Fraternité Migrants Bassin Minier 62 intervient en aide à ces migrants depuis 2009. Il est composé d’une cinquantaine de personnes originaires des communes de Angres et du bassin minier lensois.

Le camp de Angres existe depuis un an grâce à la municipalité de Angres et le collectif Fraternité Migrants Bassin Minier 62. Nous leur avons apporté des couvertures, des matelas, des chauffages, du matériel de cuisine, des médicaments. Avant cela, ils vivaient dans les bois.

Par ce communiqué, le collectif Fraternité Migrants tient à faire part de son indignation de voir que ce type d’actions solidaires l’expose à la suspicion et à la surveillance policières, et exprime sa colère face à l’arrestation de l’une de ses membres.

Le collectif ne peut se résoudre à ce que la solidarité puisse être considérée comme un délit, et demande instamment, comme tant d’autres, l’abrogation de l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui stipule que « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 Euros. »

Plus largement, le collectif Fraternités Migrants souhaite signifier que son implication est d’autant plus forte que les gouvernements successifs n’ont pas su apporter de solutions concrètes au problème de la migration vers l’Angleterre : depuis 2002 et la fermeture du centre de Sangatte, la situation n’a fait que se dégrader. Les coups d’éclats policiers et la mise en scène médiatique ne sauraient constituer une réponse politique.

Angres : Solidaire de migrants, une infirmière arrêtée

Libération – 25/11/2011

Solidaire de migrants, une infirmière arrêtée

Par HAYDÉE SABERAN

Une infirmière d’Angres (Pas-de-Calais), vient de passer trente-trois heures en garde à vue à la police aux frontières (PAF) de Lille dans le cadre de l’exécution d’une commission rogatoire d’un juge parisien pour «trafic de migrants vietnamiens en bande organisée et association de malfaiteurs». Cette bénévole, qui a souhaité garder l’anonymat, soignait les migrants vietnamiens sans papiers qui tentent de passer en Angleterre depuis l’aire d’autoroute d’Angres.

Les policiers ont sonné chez elle à 6 heures du matin mardi. «Sa fille de 12 ans a été réveillée dans son lit par une lampe torche braquée sur son visage, avec un policier derrière. C’est démesuré», s’indigne Maryse Roger-Coupin, maire PCF d’Angres. Pendant l’interrogatoire, on lui a reproché d’avoir logé un clandestin vietnamien. «Il était malade, il n’y avait pas de place à l’hôpital», répond un membre du collectif Fraternité Migrants qui agit à Angres depuis janvier 2009. Et, à part ça, que lui reproche-t-on ? «D’avoir aidé des personnes vulnérables, les avoir soignées», croit savoir la maire. En théorie, l’aide au séjour irrégulier, c’est cinq ans de prison si on agit seul, et dix, «en bande organisée». Reproche-t-on vraiment quelque chose à la bénévole la plus active du camp d’Angres ? La PAF reste muette.

L’histoire, elle, fait penser à celle de Monique Pouille, une paroissienne de Norrent-Fontes (Pas-de-Calais) qui avait passé dix heures en garde à vue pour avoir rechargé des téléphones portables du camp de migrants érythréens sur l’aire d’autoroute voisine. Monique Pouille n’avait pas été inquiétée, et continue d’aider les Erythréens (Libélille.fr du 26 février 2009). Son point commun avec l’infirmière : être là tous les jours et tout voir. En garde à vue, on lui avait demandé de «coopérer». On lui a montré des photos, demandé des noms, des dates. Il est fort possible que l’infirmière ait subi le même sort. Les neuf migrants du campement ont été arrêtés mardi. Sept d’entre eux ont été relâchés. «On n’est pas naïfs, on sait bien qu’il y a des filières», dit Benoit Decq, membre du collectif et adjoint au maire (PS) à Bully-les-Mines. Mais ceux qui gagnent des millions, ceux qui exploitent la misère humaine, ils ne sont pas ici, les pieds dans la boue.»

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